Voix du Nord - Février 2008

Sans doute faut-il y voir un signe de l’amour inconditionnel qu’il portait au carnaval. Le 14 février 1988, à la Saint-Valentin, Cô-Pinard II menait sa dernière bande. Le plus célèbre des tambours-majors rejoignait Jean Bart, le 3 mai, au panthéon du carnaval. Vingt ans plus tard, les masquelours saluent la mémoire du « Cô », même ceux qui ne l’ont pas connu. Président d’honneur des Acharnés, Louis Fauquembergue se souvient.

Précieusement encadrée, la photo du « Cô » en grande tenue, dans le salon. Vingt ans après le décès de Jean Minne, alias Cô-Pinard II, Louis Fauquembergue, président d’honneur des Acharnés, n’a pas oublié son copain. « J’ai fait sa connaissance au carnaval, après-guerre. J’ai démarré le groupe carnavalesque des Acharnés en 1952. Il nous a rejoints rapidement. Les Acharnés, on l’a veillé durant deux jours. » Pétillant de vie, malicieux, « le Cô » semblait immortel aux yeux des masquelours. Il s’en est pourtant allé rejoindre Jean Bart au paradis des Dunkerquois, brutalement, le 3 mai 1988. « Une mort brutale, mais il savait qu’il ne vivrait pas vieux, assure son ami.

De sa vie, il disait : “Gamin, une courte, mais une bonne !” » La nouvelle avait ému Dunkerque aussi sûrement que la fermeture des chantiers de France. « Il avait une telle popularité ! Partout où il allait, il était bien avec tout le monde. Un gars formidable, il savait tout faire, n’était jamais en peine. Un bon vivant. »
Des funérailles grandioses
Né en 1921 à Rosendaël, Jean Minne était tombé dans le carnaval quand il était tout petit. « Il sortait toujours à carnaval avec son tablier vichy rouge, précise Louis Fauquembergue. Il habitait à deux pas de Cô-Pinard, Léon Hubert. C’est pour cela qu’il a pris ce nom-là. » Un rêve de gamin réalisé en 1959 quand il prenait la canne et le bonnet à poil à Cô-Schlock. Le sapeur-pompier de Dunkerque devenait « le Cô » durant trois décennies. N’hésitant pas à « s’en faire une petite » durant le chahut de minuit lors des bals, en tenue de tambour-major. Rejoignant les lignes avec son clet’che « civil », honorant les chapelles, même quand un vilain vent de côte soufflait sur Dunkerque… Le 7 mai 1988, Jean Minne eut droit à des funérailles incroyables. « Il m’avait fait promettre de faire le tour de la place Jean-Bart et de donner une messe à Saint-Éloi », se souvient son président et ami. La Cantate à Jean Bart avait résonné au pied de la statue du corsaire, puis dans le cimetière de Dunkerque. Instants émouvants.
Grand par la stature et le coeur, Cô-Pinard II était également un visionnaire. « Il m’avait dit : “Tu verras, quand je serai mort, il y aura Jean Bart et le Cô !”, se remémore Louis Fauquembergue. Et c’est vrai. Quand on voit que les jeunes qui ne l’ont pas connu chantent l’hommage des Prout… Mais après tout, nous, on n’a jamais connu Jean Bart non plus ! » •